Dans la
quartier...
Soit, si vous observez bien, 3 cars et
10 fourgonnettes de la police et des CRS. S'ajoutent à ce dispositif
léger quelques autres camionnettes (entre 2 et 4 selon les jours) aux
extrémités de "sa" rue, et quelques voitures banalisées, reconnaissables
lorsqu'elles arborent leur girophare bleu. Des
hommes en bleu à tous les coins de rue, la circulation régulièrement
bloquée pour que les voitures officielles puissent emprunter les sens
interdits afin de gagner une minute ou deux, et des concerts de sirènes
lorsque le grand petit homme déplace son auguste personne. Combien
sont-ils ? je vous laisse faire le compte,
sachant que chaque véhicule est aussi rempli que les bus de la RATP aux
heures de pointe.
Me voilà bien rassuré : non, la campagne
présidentielle de Sarkozy ne coûtera pas une fortune à l'UMP. Le Ministère de l'Intérieur est là pour régler
quelques factures !
Mais je me tais un instant pour laisser la parole
au petit excité qui, contrairement aux apparences, se soucie beaucoup
des dépenses publiques et donc de nos portefeuilles :
"Nous ne
pouvons rester le pays d'Europe où la part des dépenses publiques dans
la richesse nationale est la plus importante. Il faut donc dépenser
mieux et moins. (...) Le problème du nombre de fonctionnaires doit être
posé."
Dépenser mieux, c'est donc dépenser pour la protection privée du vilain petit
nain quand il ne fait pas son boulot de ministre.
"Dans un pays
comme le nôtre, où les dépenses des pouvoirs publics représentent 54 %
de la richesse nationale, l'échec économique et social est garanti si
les dépenses sont mal orientées."
A
moins qu'il ne craigne que les Allemands ne repassent la ligne Maginot
juste pour taper sur sa petite tête, j'ai bien peur que ce monstrueux
attirail soit légèrement disproportionné pour dissuader 3 sans-papiers
de manifester devant son bureau. Espérons qu'il "orientera mieux les
dépenses" s'il est élu, il faudrait pas qu'il
se paye des croisières en porte-avions pour ses vacances.
"La France qui
se lève tôt le matin, la France qui travaille, la France qui paie ses
impôts, elle est aussi attachée à voir que l'argent public soit utilisé
avec l'efficacité maximale."
Pas
d'inquiétude, c'est efficace : pas un seul vol de sac à mains sur le
boulevard depuis l'arrivée de la milice.
"On ne
paye pas des fonctionnaires de polices pour qu'ils jouent au basket avec
des jeunes."
Mieux vaut les payer à se cailler les miches
sur le trottoir à ne rien foutre.
"Il faut en finir
avec les pratiques monarchiques dans la Vème
République."
No comment.
Vous l'aurez
compris, je fus un peu étonné de voir des armées napoléoniennes se
dresser dans le quartier pour pas grand chose.
J'ai donc posé la question aux premiers intéressés. Une première fois,
après quelques jours d'intense présence policière :
Moi : Qu'est-ce qui se
passe, pourquoi vous êtes aussi nombreux ?
Le CRS : Eh ben, euh,
vous savez, il y a souvent des manifestations sur le boulevard.
Moi
: Mais vous êtes là depuis trois jours ! il y a
une manif prévue aujourd'hui ?
Lui : Ah bon, vous avez vu des CRS,
quand ça ? (arf...)
Non il n'y a rien de prévu, mais euh... il peut toujours y avoir une
manifestation de SDF, on sait jamais !
Le brave homme, je le plains, ça
doit pas être facile d'expliquer un truc aussi con. Une semaine
plus tard, nouvelle discussion avec deux de ses collègues, plus loquaces
:
Moi : On se
pose un peu des questions sur le mélange des genres. Vous protégez le
ministre ou le candidat ?
Le premier : Vous inquiétez pas nous aussi
on se la pose, la question ! on est là parce
qu'on doit bien obéir aux ordres. Mais on se demande ce qu'on fout là.
L'autre : Vous savez, la royauté elle est pas morte, en France. Mais
ça commence à s'agiter du côté de nos syndicats.
Tout ça
énerve un peu les habitants du quartier. La dernière blague à la mode
quand un type rentre dans un bistrot : "ils t'ont laissé passer ? t'avais ton badge ?"
Pour finir, je
vous colle ce petit extrait du Nouvel Obs
d'aujourd'hui :
"Dès le premier jour, la rue d'Enghien est mise sous haute
surveillance policière. Dans la foulée, tous les habitants des trois
immeubles qui font face au QG reçoivent une étrange enveloppe saumon,
sans cachet de la Poste. A l'intérieur, une lettre, datée du 15 janvier,
leur demande de répondre au plus vite à un
recensement de sécurité. On leur communique un numéro de téléphone. Au
bout du fil, un policier questionne : nom, prénom, date de naissance. Au
cours de la conversation, le policier se fait plus précis. Il suggère à
son interlocuteur de ne pas recevoir de paparazzi chez lui, évoque avec
lui les dangers terroristes, la présence d'un éventuel sniper planqué
sur les toits. En quelques minutes, l'habitant de la rue d'Enghien est
mis sous pression. Le voilà devenu un riverain fiché par la police. En
fait, le fonctionnaire est un agent du service Enquête des
Renseignements Généraux de la préfecture de Police de Paris..."
Sarko, utiliser les RG à son
compte ? mais enfin, c'est ridicuuuuule !
Sur ce... votez bien !
A plus,
Didier
RENAUD
Autres
temoignages...
"Abus de pouvoir"
et rumeurs
Une chose est sûre, en ce moment dans le quartier, on
ne parle "que de ça tous les matins" notamment au zinc du café
Le X, raconte Alexandre, serveur. Mais plus qu'un sentiment
anti-Sarkozy, ce qui domine, selon lui, c'est que "les gens sont
choqués qu'il y ait autant de policiers. Ils se sentent oppressés, même
si ça ne change rien au quotidien". Alexandre est même persuadé que
"ça aurait pu être n'importe quel autre candidat. C'est seulement
cette présence policière qui rend perplexe". D'ailleurs, il s'amuse
que "ceux qui sont choqués sont ceux qui sont contents que le
quartier se soit assaini depuis quelques années et plus encore depuis le
15 janvier". "Mais c'est juste visuel", répète-t-il, car
lui n'a pas constaté plus de contrôles d'identité.
Ce n'est pas l'avis de Mado. Très remontée, elle
affirme haut et fort, à trois mètres de deux policiers en poste au coin
de la rue du Faubourg Saint-Denis, que son arrondissement est devenu
"mal fréquenté"... par les policiers, qu'elle "n'aime
pas". "On était bien tranquilles sans eux. Pourquoi avoir
choisi un endroit si populaire ?" Le seul avantage qu'elle y a
trouvé, c'est que, désormais, les scooters ne prennent plus la rue en
sens interdit et ne roulent plus sur les trottoirs.
"Il y a même des
gens qui pensent qu'ils sont sur écoute"
Mais c'est tout. Car, comme Jean-Michel, elle a vécu cette
installation de l'UMP comme une "provocation". Depuis lors,
elle est "morose". Et en colère. Car son fils, âgé de 12 ans, a
été "fouillé par les policiers" à la sortie de la boulangerie.
"Qu'est-ce qu'ils croyaient ? Qu'il trafiquait ? Des bonbons
?!", ironise-t-elle "C'est quoi cet abus de pouvoir ?".
"Même les enfants viennent seuls à l'école maintenant, car leur
parents sans-papiers n'osent plus sortir." "Il y a même des
gens qui pensent qu'ils sont sur écoute. D'autres n'ont plus leur
connexion internet..." "Attends, ça, on n'a pas vérifié",
la coupe une amie. "Ben, vous voyez, ça a développé la paranoïa des
gens tout ça", surenchérit-elle. "On n'est pas à l'Elysée ici.
Tout cela donne de l'importance à un quartier qui en a besoin... mais
pas comme ça !"
Dernier coup de gueule de Mado : "Ils polluent avec
leurs camions qu'ils laissent tourner toute la journée pour ne pas avoir
froid". Selon Jean-Michel, "à cause de leurs pots
d'échappement, ça pue dans la boutique" du charcutier Chez
Robert. "Qui va acheter son poulet qui pue ? Du coup dimanche,
il a fait ses poulets à moitié prix !" Vérification faite auprès
dudit Robert : "Mais pas du tout. Je n'ai pas bradé mes poulets ! Ça
ne change rien pour nous. Tout va bien". "Ça change seulement
pour les commerçants qui ont à faire aux sans-papiers".